Après le duo composé de l’actrice Emmanuelle Béart et du réalisateur Baloji en 2024, c’est au tour de la réalisatrice et scénariste italienne Alice Rohrwacher de présider le Jury de la Caméra d’or lors de la 78e édition du Festival de Cannes. Cette distinction récompense un premier long métrage parmi ceux présentés en Sélection officielle, à la Semaine de la Critique ou à la Quinzaine des Cinéastes.
La cinéaste, déjà familière de La Croisette, fait son retour cette année avec un rôle d’autant plus symbolique qu’il couronne les promesses de demain. La remise du prix aura lieu pendant la cérémonie de Clôture, le samedi 24 mai, un moment toujours chargé d’émotion pour les auteurs en devenir.
L’importance d’une première œuvre
L’an passé, c’est Halfdan Ullmann Tøndel qui avait reçu la Caméra d’or pour La Convocation, présenté dans la section Un Certain Regard.
« Les premières fois sont toujours importantes et nous accompagnent toute notre vie », a confié Alice Rohrwacher, en évoquant la puissance émotionnelle des débuts artistiques. Une déclaration qui résonne avec la mission de la Caméra d’or : distinguer non pas seulement une œuvre, mais un souffle naissant.
Une signature entre réalisme et onirisme
Figure singulière du renouveau du cinéma italien, Alice Rohrwacher cultive une vision du septième art entre réalisme et onirisme, héritée à la fois de Vittorio De Sica et de Federico Fellini. Dès son premier film Corpo Celeste, elle installe un univers qui explore la fragilité des commencements et l’innocence confrontée à la transformation sociale.
Son second long métrage, Les Merveilles, lui permet d’entrer en Compétition officielle à Cannes en 2014 et d’en ressortir avec le Grand Prix. Une reconnaissance qui installe définitivement sa voix dans le paysage international. Cette histoire intime et rurale, où l’arrivée d’une équipe de téléréalité bouleverse la vie d’une famille, évoque avec une douceur grave les dissonances entre tradition et modernité.
Avec Heureux comme Lazzaro, Rohrwacher poursuit cette réflexion sur la pureté morale mise à l’épreuve du réel. Le film, qui lui vaut le Prix du Scénario en 2018, met en scène une fable sociale dans laquelle le fantastique s’infiltre dans le quotidien. La Chimère, présenté en 2023, prolonge cette quête poétique autour du poids du passé et des disparus, et conclut selon elle une trilogie invisible entamée avec ses deux films précédents.
Un regard qui dépasse le format long
Mais l’univers d’Alice Rohrwacher ne se limite pas aux longs métrages de fiction. Sa démarche trouve aussi sa richesse dans des formes plus brèves, souvent expérimentales. Le documentaire lui sert de terrain d’observation et d’ancrage : Checosamanca, Futura, ou encore 9×10 Novanta témoignent de sa volonté de capter le souffle de la jeunesse et les traces du monde rural, loin des images formatées.
Elle s’illustre également dans le court métrage avec un éclectisme rare : Violettina pour une captation d’opéra, Quattro strade tourné pendant le confinement, ou encore Les Pupilles, qui a marqué les esprits au Festival de Cannes 2022. En 2024, elle coréalise Allégorie citadine avec l’artiste JR, poursuivant une réflexion engagée sur l’allégorie de la caverne de Platon, fil rouge discret mais récurrent de sa création.
Une présidente à l’écoute des premières voix
Ce regard pluriel, sensible et exigeant qu’elle pose sur le monde fait d’Alice Rohrwacher une présidente à part pour ce jury pas comme les autres. Elle apportera à cette édition un jugement artistique empreint de douceur, de radicalité poétique et de fidélité à la grâce des commencements.
Crédit photo : depositphotos