Après l’oppressant Vivarium, le réalisateur irlandais Lorcan Finnegan prend un malin plaisir à mettre en scène, façon série B, le calvaire, puis la revanche, d’un père victime de locaux bas du front sous le soleil d’Australie.
Il n’était pas revenu à Cannes depuis 1990 et la Palme d’Or de Sailor et Lula. Consécration qui fera de lui la star des années 90 avant que sa carrière, et sa chevelure, ne prennent, au tournant du siècle et du millénaire, une forme plus nébuleuse. Raisons cosmiques, narcotiques ou fiscales, le mystère reste entier, et Nicolas Cage s’est mis à tourner jusqu’à cinq films de moindre envergure par an, parfois si abscons qu’ils en sont devenus cultes.
Un acteur rompu aux rôles extrêmes
Ce fut le cas de Mandy, film d’horreur expérimental particulièrement éprouvant signé Panos Cosmatos et présenté en 2018 à la Quinzaine des Réalisateurs. Déjà une histoire de vendetta dans laquelle il tentait de faire la peau au gourou folk et à la bande d’affreux motards qui avaient eu l’outrecuidance de faire rôtir sa compagne au barbecue.
Projeté vendredi 17 mai sur la Croisette, en séance de minuit, The Surfer, de Lorcan Finnegan, s’apparente lui aussi à un revenge movie et vient gonfler la liste des films sadiques dans lesquels le pauvre « Nic » se fait martyriser sans raison apparente, sinon que sa tête ne revient à personne, avant de réussir, ou pas, à la relever.
Un surfeur face à une hostilité inexplicable
« On n’arrête pas une vague, soit tu la surfes, soit elle te fracasse », métaphorise le papa divorcé (Nicolas Cage, donc) en garant sa voiture sur le parking du spot qu’il souhaite faire découvrir à son adolescent de fils. Ce dernier reste imperméable aux leçons de vie déguisées en leçons de surf. Véritable petit paradis de la côte ouest australienne, avec ses villas de luxe, son coffee shop, sa plage et ses rouleaux, ce décor unique est aussi le lieu où le père a passé une partie de son enfance et où il ambitionne de racheter la maison ayant jadis appartenu à son grand-père.
Autant dire que quand il est refoulé par une bande de surfeurs locaux qui ne veulent voir aucun « étranger » dans leur océan (« You don’t live here, you don’t surf here ! »), Nic est contrarié. Commence alors une longue descente aux enfers sous la triple bannière du tribalisme, de l’humiliation et de la masculinité toxique.
Un héros piégé dans un univers hostile
Dans Vivarium, le précédent film du réalisateur irlandais Lorcan Finnegan, découvert à la Semaine de la Critique en 2019, Imogen Poots et Jesse Eisenberg ne parvenaient jamais à sortir du lotissement pavillonnaire dans lequel ils avaient visité une maison. La même malédiction frappe le héros de The Surfer, qui devient prisonnier involontaire du parking avec vue sur mer où il a osé s’aventurer.
Dépouillé successivement de ses lunettes de soleil, de son portable, de sa montre, de ses chaussures, de sa Lexus, sans parler de sa dignité, le Surfer se transforme peu à peu en clochard, au fil des agressions et de l’irrationnelle animosité qu’il subit. Chaque personne croisée – serveur du coffee shop, policier appelé à la rescousse, agent immobilier – semble liguée contre lui, rendant toute résistance inutile.
Une référence aux films d’ozploitation
On pense alors au cauchemar vécu par l’instituteur de Réveil dans la terreur (1971), de Ted Kotcheff, piégé par la canicule et la bière dans une ville sinistrée de l’arrière-pays australien, dont il tentait en vain de s’échapper. Paranoïa et ruralité hostile sont les deux mamelles de l’ozploitation, mot-valise désignant ces films de genre produits à partir de 1970 en Australie, caractérisés par leur violence et leur crudité.
Avec ses cadrages audacieux, ses gros plans sur la faune et la flore – elles aussi comme liguées contre le héros –, ses flous psychédéliques et son humour désespérément noir, la mise en scène de Lorcan Finnegan lorgne ostensiblement cette bonne vieille série B des seventies.
Une critique du patriarcat et de la masculinité toxique
La peinture des surfeurs en mâles alpha tyranniques et vaguement hippies, sous l’influence d’un gourou en peignoir sans manches, bon père de famille par ailleurs, illustre bien que le patriarcat, aux antipodes comme ailleurs, n’a pas fini de faire des ravages.
Victime expiatoire de cette faute masculiniste originelle, Nicolas Cage finira par se rebeller dans un dénouement aussi inattendu que cathartique. Un rat mort, une dent de requin… Il sera alors temps d’aller surfer.
À lire
Il n’y a pas d’entrée similaire.