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Inteview de Frigide Barjot : « Le mariage civil ne voit pas l’amour de deux personnes »

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Comment abordez-vous l’argument principal des défenseurs du mariage gay, à savoir l’égalité de traitement entre homos et hétéros ?
Ce n’est pas l’égalité devant le mariage, car il est fondateur de la filiation biologique et la garantit. Or, il n’y a pas de filiation biologique de fait dans les couples de même sexe, il faut l’intervention d’une autre personne de sexe opposé. Ça, c’est profondément inégalitaire pour les enfants, donc il n’y a pas de possibilité d’égalité devant le mariage, c’est ce qu’on dit. Il y a égalité devant l’union, de fait des couples homos qui sont déjà dans une situation de stabilité, d’engagement et qui élèvent des enfants doivent voir à ne pas être empêchés dans l’éducation. C’est le mot éducation qui doit être égalitaire, pas la filiation. Nous, on demande une filiation sociale, reconnaître qu’ils sont vraiment parents, or l’enfant n’est pas issu de ces deux personnes, il y a un tiers. Et l’enfant doit avoir accès à cette personne là. La filiation est inégalitaire, cette loi créerait une inégalité entre les enfants.

Demain, il y aura des enfants considérés comme nés sans père dans des couples homos femme. La loi ne casse pas cette réalité biologique, la loi doit être ancrée dans le réel et laisser chacun des enfants remonter à ses origines. L’adoption transfère complètement la parenté, or l’enfant est né d’un gamète féminin et même d’un utérus féminin, donc il y a déjà l’intervention de deux femmes dans la procréation d’un enfant par un couple gay.

N’est-ce pas un peu simple de répondre par l’inégalité à l’argument d’égalité ?

Cette loi est inégalitaire ! Et elle va créer une autre inégalité entre êtres humaines car elle va effacer la situation homme/femme et père/mère qui, elle, est profondément égalitaire. Dans le mariage, les devoirs et les droits des parents le sont strictement de même : l’autorité parentale est strictement égale entre les deux parents, à partir du moment où ils sont décrétés comme tels par présomption de paternité dans le mariage civil. Ça, ça sera annulé par la nouvelle loi. Donc, on aura plus d’égalité entre un parent 1 et un parent 2 car on pourra aussi bien décréter que le vrai parent n’est pas le parent 1 ou le parent 2, pas d’égalité entre 1 et 2 alors qu’il y a égalité entre homme et femme. C’est le fondement de la parité de notre société. Parents 1 et 2 ça sera en contradiction avec le reste des principes généraux du droit qui veulent la parité dans toute la société (droit du travail, social etc.). On veut casser le principe de parité originel.

Le mariage homo n’est-il pas un moyen de « déringuardiser » toute la valeur famille et les moeurs de la société, vues comme archaïques avec notre regard du XXIe siècle ?

Pourquoi c’est ringard ? Qu’est-ce qu’il y a d’archaïque d’élever un enfant dans la fidélité, la stabilité d’un couple aimant ? Un enfant n’a pas besoin de quinze personnes autour de lui, il a besoin de l’amour d’un père et d’une mère, il a besoin que les personnes qui se sont unies pour le procréer soient unies dans son éducation.

Il n’y a pas de raison de casser l’origine, de rompre la continuation entre le moment où il a été conçu et le reste de son éducation, c’est ça de briser les origines ! Ce n’est pas ringard de dire que ce qu’il y a de plus important pour un être humain, la meilleure des voies pour grandir, se structurer, et devenir pleinement un être humain, c’est de faire tout son chemin de la conception au stade adulte où l’on devient acteur de la société pour s’y intégrer avec un père et une mère. Ça ne remet pas en cause la ringardisation du mariage mais la ringardisation du divorce, des séparations, des blessures qu’on impose aux enfants dans les couples qui se séparent, c’est ça le vrai problème ! Elle est là, la ringardisation !

Ce qui est ringard c’est la succession d’unions qui trimbale les enfants les uns aux autres, qui disent qu’ils ont trois papas et quatre mamans, même si c’est des beaux-parents hétéros ! Le vrai problème dans cette histoire, c’est pas tant que le couples homos puissent adopter des enfants, il n’y en a pas d’enfants à adopter. Pour la plupart des couples homos qui élèvent des enfants, ce sont des personnes qui ont eu des enfants dans une union homme/femme et qui vivent ensuite avec une personne de même sexe : c’est alors la famille recomposée qui est homoparentale. C’est le statut du beau-parent ! Est-ce qu’on va décréter que le nouveau conjoint du père ou de la mère, qu’il soit homme ou femme, doit devenir le parent de l’enfant ? C’est ça la problématique, je ne trouve pas que ce soit un progrès pour les enfants. Je suis une enfant du divorce et, honnêtement, ça a pourri ma vie.

Revenons sur la polémique autour de l’Église qui prend la parole et le fait que vous soyez vue comme une catho dans le débat public. N’y a-t-il pas un risque de confusion entre République et religion ?

Hé bien non ! Que je sois croyante ou pas, dans mon argumentation, la foi et la Bible n’interviennent pas, parce que je me place sur un problème d’état civil et un problème anthropologique. C’est une histoire de savoir comment un être humain se structure et structure la société et quelle est la cellule de base de cette société. Ça n’a rien de religieux, même si toutes les religions disent ça, parce qu’à l’origine effectivement les premiers qui ont pensé la société sont les religieux, puis cela a été sécularisé notamment à travers le code Napoléon, qui a repris ces fondements d’origine chrétienne. On a transposé en laïc le mariage chrétien et l’égalité entre l’homme et la femme. L’amour dans le mariage, ça vient du chrétien.

Mais aujourd’hui, c’est laïc, et moi je prends la parole comme une laïque. Mais pourquoi dans une démocratie on supprimerait le droit d’expression de gens sous prétexte qu’ils se fondent sur une transcendance ? C’est quand même sacrément antidémocratique que d’enlever le droit à la parole à la moitié de la population ! Moi, ma foi permet ma raison, je m’appuie sur ma foi pour être raisonnable par rapport à l’existence, mais je ne mets pas la Bible en avant.

Est-ce que faire un mariage civil pour tous ne pourrait pas justement être le moyen de rendre sa spécificité au mariage religieux ?

Non, parce que justement il ne faut pas scinder la République, ça serait communautariste ! La République est une et indivisible, notamment dans le fait qu’elle institutionnalise la société pour tous et le seul moyen d’institutionnaliser pour tous c’est de reconnaître non pas les homos et les hétéros mais l’altérité homme/femme. L’égalité vaut entre les individus, entre l’homme et la femme, et pas entre un couple homo et un couple hétéro. L’égalité en droit français ne vaut pas entre des groupes d’individus mais entre les individus. Ils se déterminent hommes et femmes et pas en fonction de leur orientation sexuelle, parce que leur identité est trop fluctuante en fonction de leur sexualité. L’orientation sexuelle par essence est instable, donc l’égalité doit se faire sur ce qui est stable : on est homme ou femme, on n’est pas homo ou hétéro, on n’en sait rien.

En fait, cette loi ne va pas instituer un mariage civil pour tous, mais la théorie du genre pour tout le monde. Ce ne sera plus déterminé par quelque chose qui allie le sexe biologique et le sexe social, qui est le ressenti de son sexe biologique. C’est une minorité, une petite minorité, qui a une disjonction entre son sexe biologique et son sexe social : les homos, les trans et les bi. Mon corps de femme correspond à mon vécu sexuel. C’est quand même 97 % des Français ! Pourquoi on va changer cette norme ? Enfin, on est en démocratie ! C’est la loi de la majorité. Et la majorité est comme ça, c’est tant mieux car sinon la société ne survivrait pas à elle-même. Sauf en manipulant des embryons et en faisant des enfants dans des éprouvettes ; je pense que ce n’est pas la meilleure chose pour faire un enfant. Un enfant se fait dans le ventre de sa mère, avec l’amour de son père, c’est quand même le meilleur endroit pour la gestation. Ça, c’est totalement remis en cause.

On s’en va vers la procréation artificiellement assistée, elle n’est même plus médicalement assistée : deux femmes lesbiennes n’ont pas besoin d’un médecin pour s’inséminer. En quoi on remet en cause tout le principe procréatif, et après il l’emporte sur la filiation. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’autre type de famille et il faut les aider, il ne faut pas qu’elles souffrent de leur exceptionnalité, mais elles ne peuvent pas prendre le pas pour devenir la norme. Clémentine Autain se réjouit de casser la norme hétérosexuelle, moi je ne veux pas pour l’avenir de l’humanité et de la société française casser la norme hétérosexuée et la sexuation de notre société. Je suis une femme, je veux rester femme dans le regard d’un homme ; je suis femme dans l’altérité, pas par rapport à une autre femme. C’est pas la peine qu’elles vendent leurs journaux féminins pour être belle avec des gros seins. C’est pour plaire à qui qu’on fait ça ?

L’évolution logique de la société conduit cependant à se moquer de savoir qui regarde, on serait presque plutôt dans une quête permanente du regard à travers ces magazines…

C’est l’homosexualisation de la société. Peut être qu’elle évolue comme ça, mais on peut le regretter et s’y opposer, parce que c’est une individualisation de chacun, une espèce de déterminisme autogéré qui fait qu’on n’existe pas en relation par rapport aux autres, mais par rapport à son propre désir, sa propre pulsion. C’est atomisant pour la société ! Les gens vont se structurer en communautarisme. Si vous cassez la première structuration, les gens vont être des atomes indifférenciés, puis ils vont se regrouper, parce qu’ils ont besoin pour exister d’avoir des repères. On est des êtres relationnels, on vit en société. Moi je ne comprends pas que, dans cette société où l’on n’arrête pas de nous dire qu’il n’y a pas assez de solidarité, on casse les codes structurants de la solidarité pour atomiser un peu plus la société. Ceux qui sont homos, parce que c’est donné, parce que c’est pas un truc qu’on choisi, il faut quand même être claire ; moi j’ai pas choisi d’être hétéro. Alors on me dit : « c’est la société c’est culturel, tu pourrais très bien coucher avec des filles. » Ben non ! Ben non ! J’ai 50 ans, non ! Je ne veux pas qu’on m’impose ça ! La société n’a pas à imposer un autre modèle !

En 2012, parler de norme, c’est dépassé, non ? Il est interdit d’interdire depuis 68 !

C’est une idéologie qui s’impose et qui va même être légalisée. Avant, les religions étaient trop prégnantes, on s’en est libéré. La démocratie a pris le dessus, aujourd’hui elle est prise en défaut. Quand on vous explique que le débat a eu lieu parce que François Hollande a été élu et qu’on ne peut pas défiler parce que c’est antirépublicain, on est à l’envers ! Et c’est des gens de gauche qui disent ça ! On n’a plus de liberté d’expression, on ne peut pas contester la loi qui n’est pas encore votée, parce que c’est un fait acquis. Que je sache, les principes de la République, c’est quand même la volonté du peuple !

Pourtant, il y a une majorité de gens qui veut libérer le carcan du mariage et qui est favorable au mariage homosexuel…

Mais ils peuvent vivre en concubinage, pacsés, en couples homos ! C’est fait ! C’est libéré ! Là, on va nous imposer une nouvelle norme ! Si aujourd’hui des gens veulent pour leurs enfants ce qu’il y a de meilleur comme structuration, ils la trouveront à travers la présomption de paternité. Il y a 3 ou 4 % d’homos dans notre société, et sur ces 3 ou 4 %, il y a 15 000 couples stables. On fait une loi pour 15 000 couples et 25 000 enfants ? Et il y a autant de cas de familles que de types d’orientation sexuelle : des couples gays s’arrangent avec des homos femmes, adoptent à l’étranger, etc. En choisissant l’enfant sur catalogue ! On veut faire des enfants comme ça, sous prétexte qu’on s’est affranchi du sexe qui est procréatif ! On va trop loin ! On manipule l’être humain ! On crée une nouvelle race d’être humain. Peut-être que c’est lié à ma foi, mais j’ai une conscience morale : je n’ai pas le droit de toucher à ce qui n’est pas moi !

Comment êtes-vous vue dans votre position d’opposante ? On vous ramène à votre foi en permanence ?

Christophe Conte se déchaîne dans les Inrocks, c’est ce que disent les médias. L’opinion est touchée par ce débat, il doit avoir lieu, il ne s’est pas encore ouvert. Le public n’a pas pris en compte la profondeur du débat, nous demandons un référendum pour avoir une campagne et mettre les idées à plat. Le débat ne peut pas être cantonné au Parlement, tout le monde n’a pas accès à la science des juristes, personne ne dit ce que ça remet en cause dans le droit français ! Ce n’est pas normal ! On n’a pas commencé à discuter du fond.

Mais on n’empêche personne de choisir de se marier ou de ne pas se marier, pour les couples homos, s’ils veulent une union plus importante que le PACS, on fait des états généraux, on discute avec eux et on voit comment, pour la spécificité de la vie de personnes de même sexe, on instaure une union civile qui leur donne toute dignité et qui donne à leurs enfants, non pas une parenté, mais des délégations d’autorité parentale, qui existent déjà. L’autorité parentale doit rester unifiée entre les parents originaires ; s’ils sont inconnus ou décédés, il faut que l’on garde la parité chez l’adoptant qui sera, par l’adoption, décrété parent de l’enfant, qu’il ait accès à ses deux origines réelles, même analogiques et même symboliques. On ne touche pas à la parenté biologique ! Il faut que l’être humain reste en relation avec la réalité et ait l’accès à ses origines. Le mariage civil voit l’être humain, pas l’amour de deux personnes, il voit l’être humain qui en est issu.

Source : https://etre-heureux-en-couple.fr/